Les mots « entreprise » et « eau » ne sont pas communément associés, mais dans le climat actuel, il est impératif de s’intéresser à l’impact qu’a le stress hydrique sur les résultats des industries.
L’organisation à but non lucratif CDP*, estime qu’en 2018, les entreprises ont subi 38,5 milliards de dollars de pertes liées à l’eau – un chiffre qui, selon beaucoup, est sous-estimé et devrait augmenter avec le temps. Par exemple, de grandes sociétés comme Coca-Cola et Newmont Goldcorp ont dû interrompre leurs activités en raison de protestations alimentées par la pollution de l’eau et les pénuries d’eau souterraine. Les inondations et la sécheresse ont également un effet profond sur les entreprises, arrêtant la production et provoquant un ralentissement économique ressenti au niveau mondial.
Ces perturbations ne sont pas passées inaperçues. Les directions et les conseils sont sous la pression d’une liste croissante de parties prenantes, dirigés par des investisseurs et des ONG, qui demandent aux entreprises de redoubler d’efforts afin d’atténuer et de divulguer les risques potentiels liés à l’eau. La surveillance s’intensifie. Un petit nombre de banques a commencé à évaluer les risques liés à l’eau dans le cadre de leurs processus de souscription de prêts, ce qui signifie qu’elles pourraient facturer des taux plus élevés aux entreprises à risque.
Dans un avenir proche, les entreprises ayant de mauvaises pratiques de gestion de l’eau pourraient être sanctionnées par le marché.
Il est également de plus en plus courant de voir des propositions de résolutions d’actionnaires liées à l’eau , incitant les sociétés à comprendre les impacts que leurs opérations imposent dans les zones soumises à un stress hydrique et à divulguer les résultats de ces recherches.
La transparence et la responsabilité sont devenues un enjeu majeur pour les actionnaires. Prenez Chevron, par exemple. Cette année, les actionnaires ont voté une résolution qui aurait forcé Chevron à s’attaquer aux effets de ses opérations sur le « droit à l’eau » de l’humanité et à décrire l’efficacité de son suivi des « impacts négatifs » sur ce droit. Bien que la mesure n’ait pas été adoptée, les entreprises et les conseils d’administration doivent réagir – à la fois en raison de l’examen minutieux des investisseurs et parce que des incidents tels que des manifestations se produisent plus fréquemment.
À l’heure actuelle, la transparence sur ce sujet s’améliore. En 2018, 2114 entreprises et investisseurs à fort impact sur l’eau ont communiqué au CDP des données sur leurs efforts de gestion et d’utilisation plus responsable de leurs ressources en eau douce. La bonne nouvelle, c’est que ce nombre a augmenté de près de 50 % par rapport aux 1432 d’entre elles il y a seulement deux ans. La mauvaise nouvelle : Le CDP avait demandé des données à 4969 d’entre elles. Il est clair qu’il reste du travail à faire.
Outre les impacts financiers, la réputation des entreprises est également en jeu.
Les risques liés à l’eau sont généralement divisés en trois catégories :
1. Physique (qualité et quantité)
2. Réglementaire (gouvernements locaux imposant des limitations ou modifiant les prix),
3. Réputation (aucune entreprise ne veut être le méchant local en matière d’eau, même si beaucoup le sont encore).
Les risques de réputation sont parmi les plus importants de l’industrie des boissons. Les consommateurs et les communautés savent facilement faire la différence entre ce que l’entreprise paie pour l’eau et ce pour quoi elle la vend. Si l’écart est trop grand, il y aura des répercussions.
Si pour l’instant les entreprises ne doivent pas informer sur ce type de risques, les analystes financiers et consultants en stratégie affirment que les évaluations des risques liés à l’eau influencent les décisions sur des sujets tels que les fusions et acquisitions et l’emplacement des sites.
Le problème, bien sûr, est que la qualité et la quantité sont sous pression dans de nombreux endroits, ce qui rend difficile la confrontation à l’échelle mondiale. Toute multinationale suffisamment grande pour mériter l’attention va avoir des opérations dans certaines zones en situation de stress hydrique.
Gérer tout cela est en partie de l’art et de la science. Le domaine est suffisamment nouveau pour que les approches utilisées par les grandes entreprises varient. Alors que certains pourraient considérer le risque lié à l’eau avec une classification propre, beaucoup intègrent l’eau dans leurs systèmes plus larges de gestion des risques d’entreprise.
Aujourd’hui, nul ne peut nier l’impact que l’eau peut avoir sur les entreprises et les risques liés à l’eau doivent être pris en considération pour la réussite de celles-ci.
* : A propos du CDP
CDP est une organisation internationale à but non lucratif qui aide les entreprises et les gouvernements à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, à protéger les ressources en eau et les forêts. Elu numéro 1 des fournisseurs de recherche sur le changement climatique par les investisseurs et travaillant avec des investisseurs institutionnels gérant 96 milliards de dollars d’actifs. Ils tirent parti de l’influence des investisseurs et des acheteurs pour inciter les entreprises à rendre public et gérer leur impact environnemental. Plus de 8400 entreprises, représentant 50% de la capitalisation boursière mondiale, ont rendu publiques leurs données environnementales à travers le CDP en 2019. Cela s’ajoute à plus de 920 villes, Etats et régions qui ont partagé leurs données environnementales, faisant de la plateforme du CDP l’une des plus riches sources d’informations à l’échelle mondiale sur la façon dont les entreprises et les gouvernements accélèrent la transition vers des économies durables. CDP, anciennement Carbon Disclosure Project, est l’un des membres fondateurs de la We Mean Business Coalition.